lundi 5 novembre 2012

Fernand BOUCHOU (1886-1921) - "Une gueule cassée"

Une énigme enfin résolue, après deux ans de recherche.


La recherche

Un nom et un prénom gravés dans le marbre du monument aux Morts de Moissac. Il n’apparaît sur aucun autre monument du département, ni sur une plaque commémorative notamment dans les églises de Moissac. (Site Mémorial Genweb). Il ne figure pas non plus sur le site SGA Mémoires des Hommes.
Je consulte les archives en ligne du Tarn et Garonne : il n’apparait sur aucune  table décennale  de naissance, mariage ou décès sur Moissac entre 1872 et 1922. Les registres de décès en mairie de Moissac au-delà de cette date ne m’apportent aucun élément.  Le patronyme BOUCHOU est quasi inexistant dans ces mêmes dates avec  une seule naissance le 3 août  1892 : Elise Jeanne BOUCHOU,  fille de Germain Marius BOUCHOU  et de Germaine DIEULAFAIT  et un décès, celui d’Hyppolite Alfred BOUCHOU, mais l’acte n’est pas consultable. Enfin, une première piste.  Aux archives municipales, la lecture du recensement de 1911 reste infructueuse.
Le site SGA Mémoire des Hommes recense trois  BOUCHOU dont  René Jean, né le 28 décembre 1887 à Aiguillon dans le Lot et Garonne et Mort pour la France le 2 octobre 1918 à Saint-Quentin dans l’Aisne. J’entreprends sa généalogie, mais n’y trouve aucun Fernand, ni même dans les registres d’Aiguillon. Néanmoins, cette branche me conduit à Moissac, avec les décès de son père, Hyppolite Alfred BOUCHOU  (natif de Moissac) et  de son grand-père, Jean BOUCHOU, le 29 juillet 1865. Je découvre alors à Moissac un frère, une soeur et un cousin d'Hyppolyte.  Voilà une seconde piste.
Pierre BOUCHOU
Marie DELPOUY
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Jean BOUCHOU ca 1831-1865

Jean François BOUCHOU 1836
Jeanne PLANTADE ca 1831-1895

&1860 Anne SAINT-SARDOS 1838
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Hyppolite Alfred BOUCHOU 1855-1913

Julie Bernardine BOUCHOU 1857

Alexandre Elie BOUCHOU 1865-1867

Jean Ferdinand BOUCHOU 1861
&1883 Marie Madeleine LAMARGUE 1866






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Marie Louise BOUCHOU 1885

René Jean BOUCHOU, 1887-1918





Acte de Naissance

J’abandonne quelques temps cette recherche et entreprend l’identification d’autres soldats sur les monuments des communes voisines.  Et c’est en vérifiant une naissance sur la commune de St Nicolas de la Grave que je trouve enfin un Fernand Auguste BOUCHOU, né le 11 août 1886 au domicile de ses grands-parents maternels, fils de Germain (24 ans) et de DIEULAFAIT Germaine (17 ans). Ma première piste semble être la bonne, même si en mention marginale on note un mariage à Castelsarrasin en août 1920, presque 2 ans après guerre.


Germain Marius BOUCHOU 1861
&1885 Anne Germaine DIEULAFAIT 1869
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Fernand Auguste BOUCHOU,
1886-1921

     Elise Jeanne BOUCHOU 1892-1975
&1920 Emma Madeleine DECLANCQ

L'acte de mariage des parents, le 24 juin 1885 à Saint-Nicolas-de-la-Grave, me permet de relier les deux branches. Germain, lui aussi né hors Moissac (à Toulouse),  est le frère d'Hyppolite. Les deux jeunes soldats, Fernand et René sont donc cousins.


De la  Meuse aux Chemins des Dames
Je recherche donc la fiche matricule, classe 1906. D’après la table alphabétique, c’est la n°896. La lecture de la fiche et de son parcours ne fait aucun doute, il est  BOUCHOU Fernand inscrit sur le MaM de Moissac.

Extrait fiche matricule

Fernand, peintre en bâtiment,  à 28 ans en 1914. Réserviste, il est rappelé par la mobilisation générale et arrive au 7e Régiment d’Infanterie de Carcassonne le 4 août. Ce régiment sera dans la Meuse le 22 aout, fera la Bataille de la Marne en septembre. En 1915, on le retrouve en Champagne  à Perthes, en Artois à Roclincourt, En Argonne, puis à la Bataille de Verdun l’été 1916.
Le 29 novembre 1916, Fernand passe au 131e Régiment d’Infanterie. Ce régiment est alors en période de repos et d’instruction jusqu’au 16 décembre. Peut-être pour Fernand une occasion de permission avant de rejoindre son unité.
C’est sur le plateau du "Chemin des Dames", à Craonne, le 19 avril 1917 que Fernand BOUCHOU est blessé par un éclat d’obus qui lui fracture le maxillaire.  Dix mois plus tard, le 14 février 1918, il passe en Commission de Réforme à Orléans. Il est alors affecté dans un service auxiliaire. Une seconde commission, le 28 juin le maintien dans un service auxiliaire mais le déclare définitivement inapte aux services armées.
Le 22 mars 1919, il est mis en congés par le 11e Régiment d’Infanterie et se retire à Moissac.
Sa campagne contre l’Allemagne se termine.

Extrait fiche matricule


Réformé en 1921

Inapte aux services armés, il n’est toujours pas réformé mais reste  à la disposition si besoin d’un service auxiliaire.
Il change à plusieurs reprises de résidence et s’inscrit à chaque fois dans un nouveau dépôt mobilisateur. Le 10 août 1920 il épouse à Castelsarrasin (82) Emma Madeleine DECLANCQ.
Le 9 octobre suivant, réformé temporairement, il est proposé par une commission de Toulouse à une pension d’invalidité de 25% pour reliquat de fracture et gène à la mastication. La fiche matricule précise un écart dentaire à 1 cm ½ !! Et un état général passable.
Lors de la commission du 26 mars 1921, son état c’est encore dégradé et compliqué d’une infection. Il est réformé définitivement et proposé pour une pension d’invalidité à 100%.
Il décède à Larressore dans les Pyrénées Orientales le 24 novembre 1921 à l’âge de 34 ans.
A la lecture de cette fiche, il semble que son décès soit lié à la blessure par éclat d’obus,  4 ans et demi plus tôt. Et même si ses blessures ne sont pas détaillées, hormis la fracture du maxillaire, le délai de 10 mois avant la première commission de réforme obligatoire après une blessure, laisse supposer une longue hospitalisation et/ou une longue convalescence.  Fernand BOUCHOU fait parti de ces « gueules cassées », blessées et souvent défigurées, proies faciles aux maladies, affaiblies par les surinfections, et morts, bien après la guerre, après des années de souffrance. La fiche matricule ne porte pas la mention Mort pour la France. Je n’ai pas l’acte de décès.
La commune de Moissac, l’a inscrit, comme ses autres enfants, sur le marbre du monument aux Morts. Un soldat comme les autres, sorti aujourd’hui de l’ombre et de l’oubli.

Extrait plaque de marbre sur MaM de Moissac

Sources :
Archives départementales de Montauban (Fiche Matricule)
Site des Archives 82 en ligne  (Acte de naissance – Saint-Nicolas-de-la-Grave 6 E 169-39 vue 21/58)
Site le Chtimiste  (parcours du 7e RI)
SGA Mémoire des Hommes. (JMO du 131e RI)
Généanet : Arbre Rouchou (mise en ligne des Généalogies BOUCHOU)
Site Mémorial Genweb : Mise à jour des fiches Fernand BOUCHOU, René Jean BOUCHOU

Sites et blogs intéressants :
Mémorial virtuel du Chemin des Dames (Cliquer ici)
Le chemin Des Dames... L'Artois... La Champagne - site du Chtimiste (cliquer ici)
Association Gueules cassées - Sourire quant même. (Cliquer ici)


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